On peut regarder le développement de Sésamath de façon extrêmement schématique en identifiant plusieurs phases distinctes.
Phase 1 : la mutualisation des ressources pour les enseignants.
Beaucoup d'études montrent que les professeurs utilisent très massivement l'outil informatique pour préparer leurs cours. Avec la montée en puissance d'Internet, la mutualisation de ces ressources est devenue accessible, pourvu qu'il existe des lieux où elle puisse se faire facilement. Sésamath a d'abord été un de ces lieux là. Très vite, la sauce a pris, atteignant rapidement des seuils significatifs. La mutualisation des ressources s'est accompagnée des échanges entre professeurs sur des listes de discussion. Ce couple mutualisation/échange a agi comme un creuset et a permis l'émergence d'autres phases.
Phase 2 : L'utilisation des TICE avec les élèves.
Utiliser l'outil informatique pour préparer ses cours est une chose... mais avec ses élèves en classe, c'est évidemment autre chose. La phase de mutualisation dans Sésamath a créé un plaisir du « travailler ensemble ». Si on y a joute quelques développeurs passionnés, férus d'informatique (le lien avec les mathématiques étant réel)... voilà les conditions réunies pour le lancement d'un projet fou : développer coopérativement les outils informatiques à utiliser avec les élèves... les développer directement, sans l'interfaçage d'autres techniciens ou informaticiens, par des profs de Maths pour des profs de Maths... c'est le projet Mathenpoche. Le choix de développer un exerciseur n'est pas anodin : c'est une entrée aisée pour un enseignant dans le monde des TICE, surtout si l'outil en question a été pensé pour lui, et à travers lui, pour ses élèves.
Phase 3 : le travail coopératif et le manuel libre.
Le développement de Mathenpoche, de part sa nature même, est resté relativement fermé à quelques spécialistes géniaux capables de s'investir au-delà du raisonnable. Mais le logiciel a entraîné une véritable lame de fond, dans l'exact sillage de la précédente, d'ailleurs toujours bien active. Dans le même lieu (Sésamath) un enseignant trouve à la fois des outils pour préparer ses cours et des outils pour travailler avec ses élèves. Il est alors sans doute plus aisé de passer de l'un à l'autre, mais il manque un catalyseur supplémentaire. Ce catalyseur, ce sera le manuel libre coopératif. C'est un nouveau saut, un défi fou et pourtant d'une logique implacable : pour amener les TICE au coeur des pratiques, il faut les mettre au coeur des outils, et le manuel scolaire est un de ces outils au sens fort. Par ailleurs, il n'est plus besoin de développeurs : le travail coopératif s'ouvre. Le « travailler ensemble » devient un « se former ensemble en créant des ressources ». La troisième vague est en marche.
Phase 4 : les outils et les usages.
Utiliser un exerciseur est une chose... mais s'aventurer à faire du tableur ou de la géométrie dynamique avec ses élèves en est une autre. La démarche est différente. Comment faciliter le passage de l'un à l'autre si ce n'est en créant dans l'exerciseur même les outils en question ? Et Sésamath l'a fait, continue à le faire, modestement mais résolument (Tracenpoche, Instrumenpoche, Casenpoche...). Par ailleurs, un nouveau projet a émergé, celui d'une revue en ligne pour parler de l'intégration des TICE dans les Mathématiques. Non plus seulement les outils mais aussi les usages. Et quand on en vient aux usages, les usagers ne sont jamais loin...
Phase 5 : les usagers.
C'est une phase qui est en cours, de même que la phase 6 (et sans doute d'autres qu'on ne perçoit pas encore). Elle consiste à répondre différemment et de manière ciblée aux besoins des uns des autres, qu'ils soient parents, élèves ou professeurs. L'accompagnement à la scolarité n'est pas loin...
Cette phase est en cours, mais toutes les autres phases aussi. Tout avance en même temps et se modifie. Si bien qu'il faut s'attendre à d'autres formes de mutualisation, d'autres façons de coopérer, d'autres outils et d'autres usages... Si bien qu'il vaut mieux toujours regarder Sésamath comme quelque chose qui avance, en mouvement, en quête... et éviter de se prononcer trop catégoriquement sur un photo-instant.
Mon intuition profonde est qu'on ne peut pas faire l'économie de toutes ces phases. Elles s'entraînent les unes les autres, dans une dynamique irrésistible. Il n'y a rien de plus motivant que d'être porté par une telle dynamique. J'ai trop souvent vu des personnes uniquement capables de disséquer des cadavres, en tous cas incapables de voir l'énergie d'un organisme et sa capacité à se transformer, à évoluer, mais aussi et surtout à entraîner d'autres organismes.
Evidemment, ce schéma est simpliste. Il ne rend compte que très imparfaitement des processus en cours, car il y en d'autres qui viennent s'ajouter, avec d'autres grilles de lecture. Pour une autre fois, peut-être...