Les classes relais sont définies officiellement de la sorte :
"Les dispositifs relais (classes et ateliers relais) s’adressent à des élèves essentiellement de collège entrés dans un processus de rejet de l’institution scolaire et des apprentissages, en risque de marginalisation sociale ou d’absentéisme non justifié, aboutissant à des exclusions temporaires ou définitives d’établissements successifs mais aussi d’extrême passivité."
On parle généralement assez peu de ces classes. C'est bien dommage, car l'expérience accumulée et les pédagogies qui y sont développées seraient sans doute bien utiles à de nombreux collègues parfois désemparés face à des élèves dits "décrocheurs" dans des classes bien "ordinaires".
Historiquement, le développement du logiciel Mathenpoche a surtout trouvé de l'écho dans des collèges difficiles de ZEP. Par ailleurs, dans une association comme Sésamath qui milite pour "les mathématiques pour tous" il est bien évident que ces élèves décrocheurs occupent une place particulière. Comment sont utilisés les différents outils développés par Sésamath dans ces classes ? Est-il possible de mutualiser la refléxion et les échanges entre les collègues qui y travaillent et plus généralement tous ceux qui cherchent des solutions pour ces élèves décrocheurs ? Serait-il possible de développer de nouveaux outils ou d'améliorer ceux qui existent afin de mieux tenir compte de toute cette expérience ?
Nous avons la chance d'avoir les témoignages de deux collègues que nous remercions chaleureusement. Et à travers eux nous souhaiterions remercier tous les collègues qui aident ces élèves.
Si certains d'entre vous ont envie de participer à un groupe de travail dans Sésamath sur ce thème, qu'ils se manifestent et nous aurons plaisir à accompagner un tel projet.
"J’enseigne en classe relais, mes élèves (6e à la 4e) ont entre 12 et 15 ans. L’effectif est de 8 élèves.
En mathématiques (5h30/semaine), les élèves commencent par une séance de LaboMep. Au vidéoprojecteur, j’indique à chaque élève, le programme individualisé de sa séance (En 6e, en fonction du niveau de l’élève, je mets en place une progression adaptée dans le domaine « nombres et calculs ». En 5e et 4e, ils travaillent sur les relatifs puis sur le calcul littéral). Puis chacun part sur l’ordinateur. Durant les ¾ d’heure que dure l’activité, j’invite des élèves à venir devant le vidéoprojecteur de la classe, pour un cours particulier (ou par deux, trois s’ils sont au même niveau). Avant la fin de la séance, les élèves doivent m’appeler afin qu’on regarde ensemble le bilan que LaboMep édite (on analyse ensemble la manière dont la séance s’est déroulée : résultats et temps accordé à chaque exercice par l’élève). J’adapte alors, en fonction des besoins et des souhaits de l’élève, la progression du travail à venir.
Le dernier quart d’heure, les élèves vont sur Kidimaths pour passer leurs ceintures de calcul mental. Les élèves ont également joué un temps à Kidiban mais les « défauts techniques » de ce jeu (les codes de niveau ne fonctionnant pas toujours, les élèves perdent le bénéfice de la séance précédente) ont découragé les plus motivés. Dommage car le jeu est une approche motivante pour ces élèves.
A noter que j’incite fortement les élèves à s’entraider, à coopérer, pour que chacun puisse progresser en allant le plus loin possible, grâce à un « réseau de compétences partagées » si j’ose dire.
Je constate une grande motivation des élèves à utiliser LaboMEP (un peu plus de réticence avec les cahiers Mep – encore que… - mais dans l'ensemble ça colle, d'autant qu'ils apprécient grandement le principe de l'autocorrection). Le travail sur ordinateur, la qualité de Mep, des aides animées, etc. fait que j’ai moins de difficultés à gérer les 8 progressions différentes. Ils sont je trouve bcp plus autonomes que lorsque j'utilisais Mep sans LaboMep (l'obligation de lire les aides dans LaboMep y est pour bcp je pense)
En tout cas, l'ensemble des élèves (à quelques exceptions près et rares) reprend manifestement goût aux maths.
C'est incontestablement un outil parfaitement adapté à la difficulté et au décrochage scolaire.
Maintenant, le fait que j'adapte "aux petits oignons" le programme de l'élève (je discute avec eux la progression dans les chapitres) explique sans doute pourquoi ils raccrochent autant. Le fait que ce ne soit pas moi, ni un programme prédéterminé, qui impose le rythme (même si je les motive pour aller le plus loin possible) raccroche ces jeunes dans une matière dans laquelle ils ont la plupart du temps le sentiment d’être « nul », de ne « rien comprendre » alors qu'au fond c'est parce que ça va trop vite pour eux et que le cours n'est pas adapté à leurs pré-requis souvent lacunaires. Quant à d’autres outils que j’aimerais avoir, je ne vois pas. Peut-être un outil (papier ou sur PC) de géométrie, motivant, stimulant, adapté. Mais sinon…Ah si ! Si je pouvais disposer d’un laboMep pour le français, l’anglais… ça, ça serait génial….Mais ça, c'est une autre histoire."
Michael Nicosia
"C’est par mon statut de TZR qu’un poste de 9h en classe relais m’a été confié pour un an.
Non volontaire, ayant sept années d’expérience en collège, la tâche n’a pas été simple.
La classe relais a pour but de récupérer des élèves qui « ne tiennent plus » dans leur collège.
Elle doit permettre à l’élève de « souffler », de retrouver une motivation pour le travail, de se socialiser et de réfléchir à son orientation.
Ainsi les contenus pédagogiques ne sont pas la priorité mais bel et bien le processus de remotivation et la valorisation de l‘élève. Il ne faut donc pas proposer le même type de contenu qu’un cours classique en collège. (Il ne faut pas leur servir la soupe qu’ils ont vomie au collège...)
Mon projet de début d’année a été celui de les initier à la programmation informatique par le langage BASIC. J’avais pensé que cette initiation soulèverait beaucoup de questions mathématiques sans même que l’élève s’en aperçoive. Ainsi ce dernier serait motivé à résoudre un problème mathématique dans un but plus général qui est la réalisation de son programme. Faire des mathématiques parce qu’on veut réaliser un jeu sur ordinateur et qu’il faut que ça fonctionne !
Dans les faits, ce projet est en suspens, car il n’est pas encore assez abouti pour qu’il soit efficace. Trouver des activités pour les élèves de la classe relais n’est pas chose facile, à noter qu’ils peuvent être quatre élèves à la fois, de niveaux différents, des sixièmes avec des troisièmes... pour un cours de deux heures. De plus, la plupart de ces élèves ont très peu d’autonomie et ne respectent pas les règles de vie de classe, ils peuvent donc rapidement mettre le professeur en difficulté.
L’exerciseur Mathenpoche est par conséquent bienvenu, car il donne à l’élève de l’autonomie.
Les élèves sont encore réticents à certains exercices qu’ils jugent trop faciles ou qui au contraire les mettent en difficulté. Guère lisent les aides animées, il faut souvent tout oraliser. (A quand le Math en poche qui n’a pas sa langue dedans ?)
La classe relais s’effectue dans un appartement dans lequel il y a une pièce réservée à la classe, équipée d’un tableau, de tables et chaises, et d’ordinateurs en nombre suffisant pour que chaque élève puisse travailler dessus. Il y a également une imprimante.
Ainsi, les manuels Sésamath et les cahiers Mathenpoche numériques permettent d’avoir beaucoup de ressources très rapidement et de cibler ainsi le travail à la demande de l’élève. Instrumenpoche s’avére aussi fort utile pour montrer certaines constructions. Nous faisons à chaque séance au moins un quart d’heure de calcul mental en passant les ceintures de Kidimath. L’idée leur plaît beaucoup et sont parfois très motivés à l’obtenir. Ils ont aussi beaucoup de rancœur quand ils ne l’obtiennent pas, marque d’un investissement moral certain dans cette activité. "
Thierry Duchassin