11.10.08

Les Maths à l'hôpital

  09:39:23, Catégories: Divers

C'est un sujet dont on parle finalement assez peu, bien trop peu. Nous, professeurs de Maths dans les collège et les lycées ou encore professeurs des écoles, connaissons-nous bien le travail de nos collègues dans les hôpitaux, les structures spécialisées ou dans l'aide à domicile ?
A titre personnel, je dois bien avouer que j'avais une idée assez vague de tout ça. Sésamath a ouvert depuis peu un espace dédié à l'enseignement des Maths à l'hôpital. En particulier une liste de discussion (encore à son tout début) commence à rassembler quelques acteurs pour essayer de mutualiser les expériences et les pratiques. Tout ce que j'y ai déjà appris me conforte dans l'idée que les collègues qui enseignent dans ces structures ont beaucoup à nous apprendre. C'est donc un immense plaisir que de leur donner ici la parole.
Lysiane Bondoux vient de passer plusieurs années à enseigner les Maths à des enfants hospitalisés ou malades dans le département de l'Aube. Elle nous parle de son expérience. Merci, tout simplement.

Je viens d'enseigner pendant 6 ans à des élèves déscolarisés pour cause de maladie ou d'accident, pour des durées allant de quelques semaines à 2 ans..
Ces années font partie des plus riches de toute ma carrière, du point de vue pédagogique et surtout relationnel.
Pourtant, c'est par hasard que j'ai découvert ce type d'enseignement.
Mon chef d'établissement (un LGT), m'a demandé d'aider une élève qui venait d'être hospitalisée longuement.
En fait, nous ignorions que 2 associations s'occupaient des enfants malades dans notre département :
une association de bénévoles et le SAPAD (service d'accompagnement pédagogique à domicile).
Ces 2 associations interviennent en complément du professeur des écoles qui dispose d'une salle de classe à l'hôpital.
Après un CLD, j'ai demandé et obtenu un demi-poste au SAPAD.

Fonctionnement du SAPAD

http://www.ac-creteil.fr/ia93/Pedagogie/SAPAD/Sapad.html
Ce site décrit bien le fonctionnement des SAPAD, mais les dotations en matériel dépendent de chaque section. Ici, les enseignants ont à leur disposition une petite médiathèque et des ordinateurs portables en nombre suffisant.

En pratique

Pour l'enseignant, la règle est de suivre, si possible, le cours fait dans la classe.
Mais certains élèves ne sont inscrits que "virtuellement" dans une classe dans laquelle ils n'ont jamais mis les pieds (ex les phobies scolaires...). Les contacts avec les établissements sont alors très réduits, voire inexistants.
L'enseignant fait cours là ou se trouve l'élève, à l'hôpital, dans les centres de rééducation fonctionnelle ou à domicile.
J'ai toujours été très bien accueillie par le personnel soignant, qui a fait tout son possible pour que les conditions de travail soient optimales.

Les élèves peuvent être classés en 2 catégories bien distinctes.
-ceux dont le suivi a une durée prévisible, ce qui correspond en général à des pathologies sans réelle gravité
-et ceux qui sont suivis pour une durée indéterminée, suites d'accidents de la circulation, maladies physiques ou psychologiques.

Pour les premiers, les parents craignent surtout que leur enfant ne redouble. Ils sont vite rassurés en constatant que les cours se déroulent normalement.
De plus, je n'ai jamais constaté de réels problèmes scolaires liés à l'état physique. Les logiciels de géométrie et d'algèbre permettent d'aider ceux qui ont des difficultés manuelles. J'ai toujours privilégié la relation directe avec leur professeur (par téléphone ou mail) ce qui m'a permis de leur faire faire les mêmes devoirs surveillés que leurs camarades. Leur retour en classe s'est passé en douceur. C'est la partie facile de notre travail !

Mais je me suis surtout occupée d'élèves à "durée indéterminée".
Pour ceux-ci le côté relationnel est très important. L'élève est fragilisé. Il faut absolument que le premier contact soit réussi. Il faut établir une relation de confiance et ne jamais oublier que l'élève, quel que soit son état, est un jeune comme les autres.
Bien entendu, certains d'entre eux n'aiment pas les mathématiques, cela allant jusqu'à des phobies scolaires dues à un rejet total de toute activité concernant la matière. Dur-dur !
Le chat de la famille ou autres animaux familiers, (j'ai même eu droit à une mygale..), m'ont souvent aidée à établir ce lien.
Ici encore, je me suis beaucoup servie de l'ordinateur et cela fonctionne !!! enfin presque toujours...Quand ce climat de confiance est instauré, c'est gagné. Il reste alors à pratiquer une pédagogie adaptée à chacun car je n'ai jamais retrouvé 2 fois le même profil.
Pour les collégiens, les documents de sesamath (avec ou sans connexion internet) sont une mine inépuisable.
Pour les lycéens, j'ai fait des cours "normaux", construits sous forme de dialogue dans les cas favorables. Comme on ne peut pas traiter un programme en 2h par semaine, il est indispensable que l'élève travaille également seul (exercices et cours), toujours en respectant sa pathologie. Dans cet objectif, j'ai essayé la formule Tp-cours. Cela prend beaucoup de temps pour un résultat mitigé.
Je ne peux passer sous silence la question qui m'a été le plus souvent posée : "as-tu des élèves gravement malades, qui risquent de mourir ?".
Oui, j'en ai eu 2, plus si je compte les élèves suicidaires. Un des 2 est décédé. Toute l'équipe SAPAD y a "laissé des plumes". Quant-à la 2ème, 8 ans après avoir eu une espérance de vie de quelques mois, elle se porte bien et vient d'intégrer une école de commerce sur concours HEC !

Bilan
J'aurais voulu pouvoir avoir des contacts avec d'autres enseignants afin de pouvoir échanger des documents pédagogiques et parler de nos méthodes de travail.
Mais, ce qui m'a le plus manqué, c'est l'aide d'un psychologue. J'ai certainement eu des paroles ou des attitudes malheureuses qui ont peut-être provoqué des dégâts. La bonne volonté ne suffit pas.
Notre action ne donne pas toujours des résultats spectaculaires, mais la plupart de nos élèves ont eu leurs examens (brevet et bac). Notre joie est complète lorsqu'ils peuvent retrouver une vie normale.
Plusieurs d'entre eux me donnent régulièrement de leurs nouvelles, de bonnes nouvelles. "

4 commentaires

Commentaire de: Ginoux Christine  

En Belgique, il y a l’EHD (Ecole à l’Hospital et à Domicile), j’y suis bénévole depuis un peu plus d’un an. Cet été j’ai travaillé avec un enfant en phobie scolaire. Je trouve cela très très fatiguant voire épuisant. On donne tout ce qu’on a et on obtient peu de réaction-collaboration de ce jeune. Avez-vous une expérience en la matière , des trucs pour faire avancer un jeune vivant ce problème?
Christine Ginoux

11.10.08 @ 20:48
Commentaire de: Bondoux Lysiane  

Le commentaire de Christine montre à quel point la phobie scolaire peut être grave et difficile à vivre, entre autres, par ses enseignants. J’ai suivi 7 élèves phobiques, dont 3 ne supportant pas les maths. Je n’ai pas trouvé de méthode miracle.
Quand un élève ne réagit pas à nos sollicitations, je pense qu’il faut arrêter les cours avant d’être épuisé. Le problème relationnel doit être résolu avant tout. C’est le travail du médecin.
Par précaution, j’ai opté pour un 1er contact non mathématique avec l’élève et ses parents, afin d’essayer de connaître ses centres d’intérêt et d’établir un lien. Je sais que j’ai dépassé le cadre habituel de l’enseignement. A priori, aucun de ces élèves n’en a souffert et les résultats ont été positifs.
Mais des dérives sont toujours possibles et j’aurais préféré que les conditions de travail soient bien cadrées.

15.10.08 @ 19:16
Commentaire de: MONTREYNAUD Monique

Dans l’Académie de Grenoble : Professeur de maths à la retraite je travaille bénévolement avec des enfants malades dans le cadre de l’association AEEMDH (Association pour l’Enseignement des Enfants Malades à Domicile et à l’Hôpital) en liaison avec le SAPAD ; depuis trois ans, nous sommes tous (profs Education Nationale et bénévoles) dans un Etablissement virtuel Unité Soin Etudes ce qui permet un travail d’équipe avec les autres collègues de maths et d’autres matières.
On utilise dès que possible les liaisons avec les collèges ou les Lycées des enfants (sauf quand ceux-ci souhaitent couper les ponts avec leur scolarité antérieure).Depuis 3 ans, je travaille un matin par semaine au Centre Hospitalier Spécialisé (Unité d’Adolescents en séjour psy); c’est difficile mais passionnant : ces jeunes ont souvent une approche des maths ou des démarches très particulières et dignes d’intérêt ; çà m’aide à comprendre certains phénomènes rencontrés dans ma carrière. En Collège, mathenpoche est très utilisé. En Lycée, je fais cours ; j’ai plus de difficultés avec les jeunes qui sont en CAP ou BEP et j’utilise quelques documents trouvés sur Internet.

16.10.08 @ 18:29

J’ai le plaisir de vous informer que l’association PHOBIE SCOLAIRE a maintenant un site internet dont voici le lien:
http://phobie-scolaire.wifeo.com/
Je vous invite à diffuser ce message avec l’adresse de notre site et vous remercie par avance de toute aide, conseil ou contact que vous pourrez nous apporter dans la réalisation de nos projets.
Bien cordialement,

31.07.09 @ 13:31
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