Sésamath a déjà publié plusieurs billets dans ce blog sur la question du libre en général et des notions de solidarité internationale en matière d'éducation.
Ces deux domaines ont, selon nous, de nombreux points communs.
Et s'il est vrai que l'association s'est construite finalement dans une grande méconnaissance de ces questions, elle est en train de combler rapidement son retard.
Qu'est-ce que ces "ressources éducatives libres" ? Et d'abord qui cela intéresse-t-il ?
Pour en parler très concrètement, je voudrais présenter l'initiative "Ressources Educatives Libres en Afrique Francophone" soutenue notamment par l'UNESCO et l'AUF (Agence Universitaire de la Francophonie).
Je cite en particulier ce passage de la page du garde du site :
"A l’heure actuelle, l’intégration des REL dans les programmes éducatifs est devenu un phénomène mondial. De nombreux pays proposent l’utilisation de ce type de ressources pour multiplier le développement de cours en ligne mais également pour favoriser le libre échange de ressources. Plus structurée dans certaines régions du monde, la notion de REL reste encore limitée et peu comprise et utilisée en Afrique francophone.
Basé sur la gratuité totale ou partielle en fonction des licences, ce système de production et d’échange est aujourd’hui envisagé comme une solution adaptée et réaliste qui permettrait aux pays africains de se positionner en tant que producteurs de contenus et non plus en tant que simples consommateurs de ressources souvent peu adaptées. Cette voie propose également de nouveaux modèles économiques, notamment pour la production de manuels scolaires au niveau local sur la base d’un travail collaboratif entre enseignants."
En quoi l'association Sésamath s'inscrit-elle dans ce mouvement et comment peut-elle aider à le promouvoir ?
Sésamath a acquis une petite expérience sur la construction collaborative de manuels scolaires sous licence libre. Au départ, cela apparaissait utopique et impossible pour beaucoup. Pourtant force est de constater que 4 manuels scolaires et autant de cahiers d'exercices libres ont ainsi été créés dans le cadre de l'association. Avec un nouveau modèle économique à la clé, qui fonctionne d'ailleurs très bien !
Cela peut-il être utile à d'autre ? Comment partager cette expérience ?
Ce sera en grande partie l'enjeu de mon intervention lors du premier atelier de REL AF qui se tiendra à Dakar début Mars. Sésamath a beaucoup de chance de participer à un tel atelier, pour essayer de donner un peu de son expérience, mais aussi et surtout pour recevoir celle des autres, un bien très précieux.
Une réflexion encore plus personnelle maintenant.
Il y a maintenant 5 ou 6 mois, en écoutant un reportage à la télévision, j'ai entendu un ancien prix Nobel (d'économie me semble-t-il) qui, parlant du grave problème du prix des aliments de base, invoquait la nécessité, pour lui, d'en fixer le prix, en dehors des règles du marché, afin d'éviter les drames humains qu'on a pu voir ces dernières années.
Cette notion de nourriture de base. Un bien vital.
Immédiatement, je me suis dit qu'on pouvait sans doute faire un parallèle avec la notion de "ressources éducatives de base". C'est sans doute moins vital au niveau physique et morphologique. Mais peut-être tout autant d'un point de vue humain.
Or s'il paraît d'emblée difficile de régler facilement la question de la nourriture, a priori ça semble beaucoup plus réaliste et à notre portée, concernant les ressources éducatives.
En lisant ce matin le très bon livre "Wikipedia, découvrir, utiliser, contribuer" écrit par Florence Devouard et Guillaume Paumier (édition PUG), je suis tombé sur cette phrase de Michel Serres :
"Si vous avez du pain et moi deux euros, et si je vous achète du pain parce que j'ai faim, vous allez avoir deux euros et moi du pain. Cet équilibre-là, qu'on appelle un "jeu à somme nulle", est le principe même de l'économie. Tandis que si vous savez un théorème ou quelque information concernant le vivant et que vous me l'enseignez, vous me le donnez mais vous le gardez. Par conséquent, ce n'est plus un jeu à somme nulle. Ce déséquilibre produit, infiniment, des connaissances illimitées."
Ce qui est peut-être le plus étonnant dans tout ça, c'est que pour parvenir à construire ces "ressources éducatives de base", nul besoin, a priori, de grandes décisions politiques : cela peut se faire en partant complètement de la base, et c'est sans doute ainsi que c'est le plus efficace (ce qui ne veut pas dire qu'ensuite il ne faut pas un relais institutionnel, bien au contraire). Sésamath, par exemple, ne doit rien (et plutôt même le contraire) au ministère de l'éducation nationale en France et s'appuie finalement sur assez peu d'enseignants (certes particulièrement motivés). Mais même ainsi (et j'allais dire, surtout ainsi) l'effet levier est très important, spectaculaire même à certains égards.
A méditer.